Annie ERNAUX ​ Regarde les lumières mon amour

“Souvent, j’ai été accablée par un sentiment d’impuissance et d’injustice en sortant de l’hypermarché. Pour autant, je n’ai jamais cessé de ressentir l’attractivité de ce lieu et de la vie collective, subtile, spécifique, qui s’y déroule. »

Mon avis :

A travers ce journal tenu du jeudi 8 novembre 2012 au 22 octobre 2013, l’auteure partage avec ses lecteurs ses observations, ses analyses effectuées à Auchan Trois-Fontaines. Dans un registre de langue assez accessible, Annie ERNAUX s’intéresse à la société de consommation et plus particulièrement aux techniques employées par ce magasin (même si elle n’hésitera pas à se rendre dans un autre hypermarché, au milieu de son expérience, pour obtenir davantage d’éléments de comparaison). La narratrice s’intéresse à la segmentation-client (quel type de personnes vient ? A quelle heure ? Quel jour ?), sur la mise en lumière des produits-phare et sur la manière dont sont choisis ces derniers. Elle tourne également sa réflexion autour de la valeur des choses. Celle-ci varie en fonction de la date du calendrier (les articles de Noël bradés à moitié prix une fois l’événement passé). Est-ce que le monde est, lui aussi, à sa manière, un autre hypermarché ? Sommes-nous également des produits à part entière ? Est-ce que chaque être détient une valeur ? Varie-t-elle selon un effet de mode ? Quels en sont les critères ? L’écrivaine étudie avec attention l’influence de cette société de consommation sur autrui.

Plus qu’une enquête marketing et sociologique, l’auteure soulève des questions essentielles, toujours actuelles : la question des jouets genrés (est-ce qu’un parent conçoit à son enfant l’achat d’un jouet considéré comme du genre opposé) ou bien les choix douteux pour le rayon littérature/presse du magasin (les mêmes auteurs, autour d’un cercle d’articles assez restreint). Annie ERNAUX fait preuve de compassion avec les employés du magasin, qui n’hésitent pas à se justifier sur leurs techniques commerciales. Elle sympathise avec quelques clients qui l’auront reconnue. Nous naviguons en sa compagnie dans les rayons de ce supermarché qui nous semble très vite familier. Au fil des pages, la narratrice nous invite à réfléchir sur la définition de la société de consommation, ses dérives et enfin, peut-être, sur des nouvelles manières de consommer.

A la fin du livre, Annie ERNAUX fait un point, en janvier 2016, pour établir une évolution avec la fin de ses observations (qui datent de fin 2013). On se rend compte dès lors qu’en trois ans, les hypermarchés ont affiné et adapté leurs techniques afin de booster leur rentabilité. Les machines remplacent davantage l’être humain (=caisses automatiques, système de scan par le client lui-même au fur et à mesure qu’il les pose dans son caddie). Nous nous rendons compte de ce fait que la société ne cesse de tourner à toute vitesse, au point d’en venir à nous demander, s’il demeure encore une place pour l’humain, pour l’individu qui la constitue.

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