Latifa Chay est une primo-écrivaine qu’il faut suivre tant pour sa plume, que pour son parcours de vie et ses engagements. C’est à la suite d’une défaite électorale en 2017 qu’elle décide de partager son expérience de vie. « Sois une femme ma fille » est un mixte entre l’auto-biographie, le cheminement personnel et l’essai politique.
Il y a deux interlocuteurs dans ce livre : les lecteurs à qui elle dresse le récit de son enfance à aujourd’hui en passant par sa ville, ses espoirs, ses réussites. Le dessin d’une femme politique aux engagements forts qu’elle est devenue avec pour raisonnement de fond la fameuse injonction de son père :
Kounti mra benti – sois une femme ma fille.
Et d’autre part, à sa mère, à coeur ouvert, plus intime. Deux femmes qui se mêlent tout le long durant. On assiste à une forme de journal intime où la narratrice se confit. De sa mère, on ne sait finalement pas grand chose. C’est d’ailleurs ce qui m’a manqué, est-ce par pudeur ou un choix délibéré ? Il faudra attendre les dernières pages pour le comprendre.
Tout commence dans une tour HLM de la capitale de la chaussure, Romans-sur-Isère quand la jeune Latifa est confrontée au racisme au sein de l’école républicaine alors qu’elle n’est qu’une enfant. Une marque au fer rouge d’où naîtra son engagement politique qu’elle veut réformer. Cela commence par garder sa liberté : Travailler en parallèle, ne pas être une politicarde. On ressent à travers ses écrits une femme militante de gauche qui veut, par son œil frais provoquer un séisme dans l’échiquier politique, du moins en donner une autre image, renouer le lien démocratique entre le peuple et ses élus.
Malgré la richesse anecdotique liée à la dureté de cet environnement, à ses expériences de vie parfois douloureuse, il se dégage paradoxalement dans cet ouvrage beaucoup de sérénité, de légèreté et d’humour. J’ai beaucoup aimé le passage où Latifa Chay passionnée de chaussures, usera de sa paire de souliers afin d’obtenir des financements pour ouvrir un musée de la chaussure. Le reflet de sa pugnacité qui se lit tout au long de l’ouvrage. Il y a beaucoup d’apesanteur aussi grâce au fait religieux, elle est musulmane et ne s’en cache pas. C’est à prendre ou à laisser, une transparence qui détonne dans un univers où la langue de bois prévaut.
Finalement, ce que je retire de ce livre c’est que oui la politique est impitoyable, misogyne, élitiste, mais que lorsque que l’on sait où on va et ce que l’on veut, tout est possible, même pour une femme, issue de l’immigration, de 23ans. Oui Latifa Chay a été la plus jeune élue politique, bravo pour ce parcours et mes hommages madame.
Nawel Boumehdi.
Votre commentaire