Résumé :
Le hasard tient peu de place dans cette comédie où Silvia, pour éprouver la sincérité de son fiancé Dorante, se fait passer pour sa servante Lisette, tandis que Dorante fait de même avec son valet Arlequin. Et voilà l’amour à l’épreuve de la méfiance, du préjugé social, de la timidité, de l’hésitation, du sourire et des larmes.
Mon avis :
Une comédie qui n’a pas pris une ride ! Près de 300 ans séparent la première représentation (1730) et nous, lecteurs contemporains, découvrons des problématiques encore actuelles dans une langue subtile et élégante. Notre classe sociale a-t-elle un impact inconscient sur nos préférences amoureuses ? L’amour outrepasse-t-il les frontières du rang social ? Sommes-nous condamnés à n’être seulement attiré par ce qui nous est semblable ?
Ce jeu de faux-semblants (des personnages aisés qui se font passer pour pauvres et inversement ; des serviteurs qui donnent des ordres à leur maître…) montre (on parle ici de ma déduction PERSONNELLE) que le langage peut tromper, les mots sont en mesure d’être mensongers. Les paroles séduisent mais induisent en erreur également. MARIVAUX prouve ici que manier les mots est un art qui sert, outre le fait de communiquer des informations, des émotions ou des états d’âme, à parvenir à son but. En revanche, l’expression corporelle est un autre facteur jouant un rôle essentiel dans la détermination des préférences amoureuses. Ici, Silvia et Dorante prétendent tous deux être pauvres. Mais certains critères, indépendants de leur volonté, les trahissent. La posture, l’éducation reçue, un lexique ample… Tous deux pensent tomber amoureux de la mauvaise personne. Mais leur inconscient les a attirés l’un vers l’autre. Ils se sont choisis outre l’argent et la condition sociale. Dans ce sens, il serait donc judicieux de se demander si l’éducation a une influence sur nos choix amoureux.
A l’époque où MARIVAUX publie sa pièce, il est encore de coutume de procéder aux mariages arrangés. La place des parents est donc omniprésente si ce n’est, imposante dans la vie des individus et par conséquent, des protagonistes (même si l’action, dans la pièce, est centrée sur ce binôme qui se découvre). Ce jeu de rôle peut donc être perçu comme une certaine rébellion, une revendication des libertés individuelles des enfants contre les parents. Cependant, si bien Silvia que Dorante ont été pris à leur propre piège et suivent le chemin que leurs aînés ont tracé.
Enfin, même s’il est difficile d’apporter des réponses à nos questions (je pense que le dramaturge a tenté, avant tout, de sensibiliser son public), il peut être constaté que la force de MARIVAUX réside dans le fait d’utiliser, à l’instar de Molière, l’humour pour dénoncer. Il choisira le renversement de rôle pour dénoncer les relations hiérarchiques entre humains (Lisette se fait un malin plaisir de se moquer de sa maîtresse, de même pour Arlequin). Une idée développée dans une de ses pièces précédentes, L’île des esclaves.
Michaël BRICE
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