Qu’est-ce que la beauté ultime (selon Paolo SORRENTINO) ?

Film disponible sur Netflix :


Chaque individu détient une réponse différente à ce qu’il estime être beau. Il relève de l’ancrage éducationnel et de la sensibilité de chacun. Même si la beauté réside pour certains dans l’imperfection (car elle soulignerait davantage notre humanité, notre condition), d’autres se questionnent sur la subjugation indéniable provoquée par l’esthétique parfaite, idéale selon celui qui la contemple.
Dans ces conditions, il serait intéressant d’analyser la perception de SORRENTINO sur la beauté ultime.
Cette étude portera dans un premier temps vers les attraits visibles puis invisibles.

Selon SORRENTINO, l’environnement (=le paysage) auquel l’individu appartient peut relever de la beauté. En effet, La grande bellezza multiplie les vues de Rome. Par le biais de longs plans sur les divers paysages et monuments de la ville, la splendeur réside dans le mariage des choses simples comme la pierre (les édifices),  l’argile, les points d’eau, le soleil. Y réside très souvent l’impact de l’Homme qui s’est occupé de sculpter, de structurer pour donner un panorama de la cité cohérent et noble. La beauté ultime, selon Jep, serait donc esthétique. Un alliage du meilleur que peuvent offrir la nature et la civilisation. L’alliance de la tradition et de la nouvelle ère. En témoignent les nombreuses heures que le protagoniste passe sur sa terrasse qui détient une vue spectaculaire sur le Colisée. Une caractéristique que l’on retrouve dans Call me by your name de Luca GUADAGNINO où la caméra s’attarde sur la villa de Elio. Ces plans permettent de retracer une ambiance estivale, où les activités sont davantage tournées vers la détente et le farniente.

Le grand appartement central de Jep crie la réussite et détermine sa classe sociale. Si l’on poursuit cette réflexion, ce n’est donc pas un hasard si le protagoniste s’entoure d’individus qui mènent une existence luxueuse. Cette dernière fait la promotion du beau et le culte de l’apparence. Chirurgie esthétique, maquillage, tenues de grandes griffes, champagne hors de prix… La scène d’ouverture met en scène le soixantième anniversaire du protagoniste où la fête est une ode à la surabondance et à l’excès. Une ambiance assez joviale de prime abord. Ce n’est qu’au fil du film qu’on découvrira l’envers du décor et les problèmes de ce monde porté par la mascarade. L’allure, la prestance des êtres, ainsi que la somptuosité des objets de collection peuvent être la définition de la beauté ultime selon SORRENTINO.  Ce qui explique cette courte séquence où intervient l’actrice Fanny ARDANT, qui incarnerait l’idéal féminin selon Jep. Toutefois, ce bonheur, bien que visible, reste illusoire et ne sert qu’à masquer une profonde solitude. Un mal-être ressenti également par Gatsby dans Gatsby le magnifique de FITZGERALD où le héros enchaîne les fêtes mondaines dans le but secret de pouvoir retrouver sa bien-aimée.

Si le paysage et le culte de l’apparence sont des attraits visibles de la beauté ultime, SORRENTINO élargit le champ des possibles en s’intéressant aux valeurs invisibles. En effet, l’art détient une importance capitale dans l’existence de Jep, écrivain, qui se repose sur le succès de son premier roman. La notoriété et le profond respect qu’on lui accordera pendant de nombreuses années seront liés à sa production, considérée comme une porte vers le divin. L’art est donc un moyen de perpétuer une particule de soi à travers le temps. De délivrer un message à ses descendants. Cependant, (et c’est ici la problématique du film), Jep, ne désirant pas décevoir son public, se mettra en quête de la grande beauté pour parvenir à la restituer dans un second livre à la hauteur des espérances de tout le monde. Un défi qui invite au dépassement de soi. Mais ses attentes vont devenir un frein à son écriture, c’est pourquoi il tentera de chercher l’inspiration en assistant à des représentations artistiques (il peut être cité l’exemple de la scène d’une comédienne, courant nue sur la scène, finissant par se heurter au mur qui lui fait face, pour dénoncer les accidents de la route). Néanmoins, la sphère artistique de Rome peine à se développer et à apporter un nouveau souffle. Ce sont donc les attentes du public qui paralysent Jep dans sa créativité. Un point commun avec le héros de Misery de Stephen KING où une fan prend en otage son écrivain favori et le pousse (ou devrait-on dire le menace !) à proposer une fin alternative à son roman, sur le point d’être édité. La lectrice contraint l’auteur à donner à son héroïne la fin qu’elle mérite (ou du moins qu’elle semble mériter selon les perceptions du public). A l’inverse, il peut être émis l’hypothèse que Jep stagne, ne se développe pas personnellement. La connexion entre l’artiste et son œuvre est puissante, ce qui explique pourquoi cette dernière est en suspens. Un lien démontré dans Le portrait de Dorian Gray de Oscar WILDE où un peintre immortalise les traits d’un homme qu’il considère comme charmant, comme un “canon de beauté” selon les termes des arts visuels. Néanmoins, même si Dorian Gray vieillit à travers les années, son visage ne laissera paraître aucune trace du temps. Cependant, son portrait ne sera qu’un miroir de son âme qui perdra sa pureté à travers les années.

Enfin, si Jep erre dans les limbes de la recherche perpétuelle de la beauté ultime, ses questions trouveront des réponses à la fin du film grâce à la spiritualité. La venue d’une Sainte reconnue pour sa bonté du cœur (un clin d’œil à Mère Teresa), très âgée, sera le déclic. Celle-ci demeure très souvent dans le silence. Mais elle s’exprime sagement. Toujours avec des répliques percutantes, qui invitent autrui à grandir, à s’élever. Le recul et les expériences lui permettent d’obtenir ce respect ultime, qui se ressent à travers son charisme. Une conscience de l’existence qu’elle n’aurait pu acquérir si elle n’avait pas osé. Une rencontre qui permettra à Jep de commencer une nouvelle histoire.

A l’issue de cette analyse, il peut être rappelé que l’ultime beauté est une question qui relève du personnel car elle est liée à la sensibilité et à la subjectivité de chacun. Si nous avons pris plaisir à suivre Jep dans son parcours poétique, il est noté que plusieurs aspects ont été des éléments de réponse à sa réflexion. Le paysage qui nous entoure, les amis que l’on fréquente, l’art qui nous permet de réfléchir et de nous amener peu à peu à la spiritualité, que l’on acquiert par les expériences vécues et les leçons tirées.
Dès lors, il serait intéressant de s’interroger sur l’accessibilité de la beauté ultime par l’âge…

Michaël BRICE

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