Emile ZOLA est un auteur majeur français du XIXème siècle; célèbre pour son impact sur le naturalisme et pour son implication dans l’affaire DREYFUS. Connu plus tard pour sa fresque des Rougon-Macquart où il dépeint la nature humaine en vingt volumes, il sort, avant cet exploit, à l’âge de 27 ans, un troisième roman qui deviendra son premier succès : Thérèse Raquin. Tout d’abord présenté comme un feuilleton dans la revue L’Artiste, l’aventure va intriguer les lecteurs qui crieront au génie ou à l’indignation. Hélas, l’adaptation théâtrale ne connaîtra pas le même succès.
Cet ouvrage raconte l’histoire de Thérèse, adoptée par sa tante, après la mort tragique de ses parents. Le livre suit les péripéties dramatiques de la jeune femme, qui luttera toute son existence contre la fatalité.
Dans ces conditions, il serait intéressant de se demander si la mort entraîne nécessairement le renouveau ?
Cette problématique sera traitée en suivant les trois types de décès que Thérèse rencontrera dans le roman : celui imprévu (les parents de Thérèse), le crime prémédité et enfin le suicide.

L’histoire s’ouvre sur une atmosphère que ZOLA aimerait délivrer à ses lecteurs. Le premier chapitre s’intéresse davantage au lieu où l’action se déroule (la mercerie) et le côté sombre voire peu avenant du passage du Pont-Neuf. Une description qui sera assez révélatrice pour la suite du livre. Après avoir planté un décor glacial, l’auteur démarre l’intrigue sur les chapeaux de roue avec un événement dramatique : la mort accidentelle des parents de Thérèse, personnage principal, qui se voit confiée à sa tante, Mme RAQUIN, veuve. La mort semble régner autour de cette enfant, à l’aube de son existence. Le destin de Thérèse est donc modifié et entraînera de nombreux bouleversements : un déménagement et surtout des responsabilités : Thérèse sera élevée de sorte à ce qu’elle veille en permanence sur son cousin, Camille, gravement malade. Mme RAQUIN prive donc Thérèse de son enfance en la noyant sous les responsabilités. Cette dernière grandira avec l’odeur des médicaments (consommés par son cousin) et l’idée que l’existence ne tient qu’à un fil. En d’autres termes, d’un point de vue psychologique, la vie serait une lutte constante face à un destin hostile. Thérèse a donc conscience, dès le plus jeune âge, que l’humain est un être éphémère, destiné à périr : ses fonctions et sa vitalité se réduisent de jour en jour, tel un objet.
Une thèse qui se vérifiera quand elle sera jeune fille et que Mme RAQUIN lui imposera un mariage… avec son cousin, Camille. Dépourvue d’une réelle ambition, plongée dans un refus du futur, Thérèse écoute les ordres de sa tante et se plonge dans un mutisme déconcertant. La contestation est le propre de l’affirmation de la personnalité mais l’épouse n’avait projeté aucun modèle d’homme parfait, il est donc difficile pour elle de partager ce qu’elle a sur le cœur. L’idée du mariage ne détient donc aucune saveur, tout comme les autres plaisirs car on sait que ce dernier ne sera pas éternel. Ainsi, Thérèse allie l’impermanence et le non-attachement. Une idée qui sera renforcée dans les chapitres suivants avec la rencontre de la jeune femme et de Laurent, un collègue de Camille. Le cœur de Thérèse commence à battre et l’adultère est consommé pendant des mois. Les projets se dessinent peu à peu dont celui de tuer son mari. Le regain, le renouveau prend place. La jeune épouse vit enfin grâce aux flammes de la passion qui se sont emparées de son corps. Elle accepte donc, inconsciemment, qu’un attrait (ici immatériel comme l’amour) puisse être éternel. La nouvelle mercenaire se prépare donc à l’éventualité de souffrir. Car, en écoutant ses désirs, en ne se contentant pas des richesses que l’on détient (ici, un emploi, une tante et un mari), l’être humain est condamné à vivre une logique funeste (l’idée de la mort revient donc !). Toutefois, Thérèse reste mature et sage car elle se satisfait des désirs naturels et non nécessaires comme la sexualité. Elle ne se concentre pas sur des désirs artificiels et superflus (comme les vanités de Madame BOVARY). Cependant, Camille apparaît comme un obstacle pour la réalisation des projets illégitimes de Thérèse et de Laurent, c’est pourquoi il planifie son meurtre en l’emmenant en barque et en le noyant dans le lac.
Notre héroïne est donc, après la mort de Camille, dans l’attente d’un renouveau… qui tarde à venir ! Un an et demi se passe et les liens entre les deux amants se détachent. Thérèse regarde passer les jeunes hommes. Laurent a une aventure éphémère avec une de ses modèles (il est également peintre à ses heures perdues). Néanmoins, le devoir de porter à terme les projets communs se fait ressentir (Camille n’est pas mort pour rien!) et c’est ainsi qu’ils soufflent l’idée à Mme RAQUIN d’un remariage pour Thérèse. Ce renouveau arrivant va être l’ultime et se révéler être plein de surprises. Le spectre du défunt ne cessera pas de faire son apparition et notre couple ne parviendra plus à consommer leur amour, les entraînant dans la spirale infernale du désir. Nos héros seront plus humains que jamais et traverseront un florilège d’épreuves et d’émotions. Après une vie entière à assumer Camille, Thérèse se dédouanera de sa mort, confiant l’entière responsabilité à Laurent, qui le vivra très mal. Par ce biais, ces deux êtres, unis par le crime, se désaffectionnent. La jeune femme dresse une barrière, une frontière en refusant d’assumer les conséquences de ses actes. Laurent tentera de regagner le contrôle en la battant régulièrement et, une fois débarassés des illusions de l’espérance, les deux nouveaux époux finiront par assouvir leurs désirs sexuels en accumulant chacun des partenaires. Le renouveau va donc apparaître comme une addiction à rassasier quotidiennement. Le roman se clôture sur cette envie d’apprendre à vivre seul (Mme RAQUIN est devenue paralysée entre-temps) en se débarrassant de l’autre. Thérèse va choisir le couteau, Laurent le poison. Toutefois, le destin va les amener à une introspection et ils décideront, d’un commun accord, se rendant compte qu’ils n’ont aucune attache à ce monde, de se suicider ensemble. La mort s’illustrera donc, dans ce cas, comme un moyen de se libérer d’un énième mouvement de l’existence. Ce sera un refus au renouveau terrestre.
Au terme de cette analyse, il a été étudié que la mort peut être si bien physique que spirituelle. Celle-ci est un processus spirituel indispensable à l’évolution humaine afin de marquer une rupture définitive avec un passé immuable. Le renouveau, quant à lui, engendre de nouvelles énergies, de nouvelles habitudes qui seront amenées à leur tour à connaître un terme. Comme le monde et l’être sont des attraits constamment inconscient par leur condition, il convient donc d’affirmer chaque mort entraîne un renouveau.
Il reste donc à se demander si le mariage de ces deux caractéristiques est propre uniquement à notre monde…
Michaël BRICE
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