La rencontre avec l’autre permet-elle de mieux se connaître soi-même ? (Réponse de Cédric KLAPISCH)

L’Europe était à la fête la semaine dernière. Les amateurs de musique ont eu les yeux rivés sur l’Eurovision (concours de chant européen) d’autres ont pratiqué des activités sportives internationales… Une harmonie, une cohésion sociale s’est fait ressentir sur le continent qui désirait si bien partager sa culture, mais découvrir également celle d’autrui.
En parallèle, le réalisateur Cédric KLAPISCH sortait son dernier film En corps où la musique est aussi à la fête. L’artiste a conçu une filmographie intéressante d’un point de vue sociologique. Les échanges interculturels des personnages sont la clé de son travail.
Dans ces conditions, il serait intéressant de se demander si la rencontre avec l’autre permet de mieux se connaître soi-même ?
Cette problématique sera traitée à la lumière de l’œuvre cinématographique de Cédric KLAPISCH intitulée L’auberge espagnole, sortie en 2002, année où une monnaie commune (l’euro) commence à se mettre en place pour unir les différentes nations.

L’auberge espagnole, premier volet d’une trilogie, dépeint le personnage de Xavier, jeune étudiant qui est, sans le savoir, à un carrefour de son existence. En effet, ce dernier nourrit l’ambition de travailler au Ministère des Finances. Un rêve alimenté par son père. Dès le début, Xavier n’exprime pas son propre projet mais celui de son père. On constate donc que le fils veut suivre les traces de son aîné, qui va l’appuyer dans sa démarche en arrangeant un entretien d’embauche. Toutefois, un obstacle va se révéler à notre protagoniste : il peut être recruté à l’issue de ses études à condition… qu’il améliore son niveau en espagnol. C’est pourquoi le personnage partira quelques mois à Barcelone grâce au programme ERASMUS. Ce dernier vise à favoriser les démarches des étudiants qui souhaitent poursuivre leur cursus à l’étranger dans le cadre de leur diplôme (même si KLAPISCH illustre avec ironie comment l’université complique les démarches sur le plan bureaucratique). Par conséquent, sur cette première partie du film, KLAPISCH brosse le portrait d’un jeune homme qui aimerait satisfaire ses parents en suivant le chemin tracé si bien par sa famille que par la société. L’idée de l’homme qui travaille dans l’économie représente, dans l’inconscient collectif, l’apaisement face à la peur de vivre dans une situation précaire. En poursuivant cette réflexion, il peut être émis l’hypothèse que le programme ERASMUS se présente comme une solution pour les jeunes étudiants qui se cherchent encore. Partir loin pour mieux se trouver.

Une fois arrivé à Barcelone, Xavier aura la soif d’apprendre d’autrui et partira du foyer que quelques Français (rencontrés à l’aéroport) lui ont offert. L’étudiant préférera s’installer dans une colocation comportant d’autres jeunes de diverses origines. En cohabitant, Xavier sera en contact permanent avec les autres cultures, dont il analysera les caractéristiques : l’italien est plutôt désordonné (scène du frigo) alors que l’allemand Tobias est, au contraire, très structuré. Wendy, anglaise, est déjantée et son amie belge (interprétée par Cécile de FRANCE) lui porte une oreille attentive. Chacun va apprendre de l’autre dans cet habitat, partagé entre espaces publics (cuisine, salon…) et privés (chambres). En dépassant les préjugés du monde (cette question sera illustrée dans le film à travers un personnage : le frère de Wendy), ce groupe d’étudiants va créer peu à peu une culture commune, internationale. Des compétences linguistiques vont être développées mais des qualités humaines comme l’altruisme vont être renforcées. Aucun personnage n’essaie d’imposer ses coutumes (ce qui pourrait s’apparenter à de l’ethnocentrisme) mais on tente davantage de comprendre le point de vue de l’autre. La colocation est donc un moyen propice à la rencontre avec autrui.

A l’issue de son expérience ERASMUS (cette dernière a une durée limitée), KLAPISCH met en scène le retour de Xavier dans sa ville d’origine. Le personnage  a besoin de retourner sur son point de départ pour réaliser son évolution. Retourner là-bas, reprendre ses anciennes habitudes apparaît comme une régression pour le protagoniste qui est sur le point d’entrer au Ministère des Finances et de réaliser son rêve. Contre toute attente, le protagoniste fuira ce destin qui semblait tout tracé par la société capitaliste et qui ne lui ressemble pas. Xavier, comme on peut le voir sur les premières images du film, disait tout petit qu’il souhaitait devenir écrivain, métier propice à la transmission et au partage. Des valeurs endormies par le quotidien parisien et réveillées par la colocation qui invite à tout ce qui est attrait à la collaboration. Dans une Europe qui se renforce grâce à l’arrivée d’une monnaie commune (l’euro), Xavier réalise qu’autrui est une richesse pour soi-même et que l’on se nourrit de la rencontre des autres. A la fin de l’œuvre, il déclare “Je suis Français, Espagnol, Anglais, Danois. Je ne suis pas un, mais plusieurs. Je suis comme l’Europe, je suis tout ça.

Au terme de cette réflexion, il a été vu que le film raconte une histoire ni française, ni espagnole, mais une histoire humaine. Chaque individu rencontré permet de nous enrichir culturellement et spirituellement. Il nécessite néanmoins de dépasser les stéréotypes véhiculés. Plus on multiplie les contacts, plus on se rapproche de nous-même en nous permettant de déterminer ce qui nous plaît ou non.
Reste à savoir si les goûts sont les seuls marqueurs d’identité…

Michaël BRICE

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