La liberté réside-t-elle dans le fait de partir ?

Les mesures instaurées par l’exécutif lors de la pandémie du Covid-19 ont contraint les individus à rester à la maison pour se protéger du virus. En ce sens, il a semblé naturel de se dépayser une fois les restrictions levées. L’ailleurs apparaît dès lors comme une évasion pour celui.elle qui a été enfermé.e.
Dans ces conditions, il serait intéressant de se demander si la liberté de l’individu réside-t-elle essentiellement dans le fait de partir ?
Si le voyage est un tremplin vers l’émancipation, il est parfois vécu comme une fatalité.

Le Grand Tour a longtemps laissé penser que le voyage était réservé à une élite. Si les congés payés instaurés en France en 1936 par Léon BLUM ont rendu le voyage accessible aux salarié.e.s, il convient d’affirmer que les artistes, faute de moyens financiers, plient bagage pour se retirer de la société afin de fuir les conventions sociales qui freinent leur créativité. Exemplaire est en ce sens, RIMBAUD, au XIXème siècle, qui immortalise sa fugue dans Ma bohème. Le poète exprime sa joie de dormir à la belle étoile, sans le sou, mais loin des attentes familiales.

Si la Bohême, région de l’actuelle République Tchèque, a longtemps fasciné RIMBAUD, BAUDELAIRE et VERLAINE pour avoir érigé l’errance en art de vivre, il est important de souligner que le voyage a contribué à l’émancipation féministe. Cette dernière est représentée par HOPPER, dans sa peinture réaliste Compartiment C, voiture 293. On y distingue une dame seule, dans les années 1930, dans un train. Elle n’est pas accompagnée. Elle a acquis une liberté provisoire. En effet, à cette époque, la femme reste sous la responsabilité financière de son père ou de son mari.

L’atmosphère qui règne au sein de la famille peut être anxiogène, c’est pourquoi l’indépendance devient une nécessité pour s’épanouir. Dans l’adaptation cinématographique de Juste la fin du monde de Xavier DOLAN (Grand Prix au Festival de Cannes 2016), Louis, écrivain, revient chez sa famille après 12 ans d’absence. Son départ lui a permis d’accomplir son rêve : devenir écrivain. Sa famille est impressionnée par son courage et sa réussite mais les problèmes de communication persistent entre les deux partis, ce qui donnent naissance à des conflits intergénérationnels.


Si le programme ERASMUS et KLAPISCH (dans « L’auberge espagnole ») présentent le voyage comme une aubaine culturelle et professionnelle, cela peut être également une fatalité. Les soldats de guerre ont accompli un acte patriotique. CÉLINE, dans son autofiction Voyage au bout de la nuit décrit l’horreur de la première guerre mondiale (1914-1918). Son esprit demeure prisonnier des souvenirs, des atrocités vécues pour la défense de son pays, la France.

De même, au XIXème siècle, le Congo est un pays qui a accueilli des voyageurs britanniques. Ces derniers ont colonisé le pays afin d’en tirer ses ressources naturelles. On retrouve cette réflexion dans Au cœur des ténèbres de Joseph CONRAD. Dans cette autofiction, Charles MARLOW devient capitaine d’un bateau à vapeur et doit traverser le Congo pour surveiller l’avancée des travaux dans les mines et sur les chemins de fer. Un livre qui a été librement adapté quelques années plus tard par Francis Ford COPPOLA dans Apocalypse Now.

De plus, partir devient parfois un impératif pour survivre. Le prouve la couverture-choc du quotidien Libération intitulée Leur cimetière, au moins 79 migrants morts dans la Méditerranée. Le gros plan est porté sur le bleu de la mer. Le titre est en blanc. Une allusion au paradis. La couverture pointe du doigt les conditions mortelles de voyage des migrant.e.s. Certain.e.s ne parviennent pas à destination.

Au terme de cette analyse, le voyage a été présenté comme une vertu lorsqu’il est relié à une quête d’accomplissement individuel, pas collectif ou patriotique.
Reste à savoir les mesures que la France adoptera pour accueillir les nouveaux migrant.e.s d’Israël.

Michaël BRICE

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